Façonner la Globalisation : Société civile, Pouvoir Culturel et Tri-articulation

Préface à l’Edition allemande

01.02.2000

Les récents événements et discussions historiques mondiaux ont traité des thèmes centraux qu’expose ce livre "Façonner la Globalisation : Société civile, Pouvoir culturel et Tri-articulation". Le livre développe la présentation d’une perspective pertinente de comment façonner le processus de la globalisation qui provoque aujourd’hui des changements historiques dans le monde.

Démonstration de la Société Civile comme Troisième Force Globale

L’effondrement dramatique du programme de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Seattle, en décembre 1999, a illustré de manière spectaculaire un thème central de ce livre. Juste avant la fin du 20e siècle, des millions de gens du monde entier ont assisté à ce qui pour eux était, l’émergence d’une troisième force globale sur la scène de l’histoire mondiale. Cette troisième force a prévenu les ministres de l’OMC en provenance de 135 pays d’entamer un nouveau consensus pour accélérer l’allure de formes contestataires de la globalisation partout dans le monde. Cette troisième force est la société civile globale, le sujet central de ce livre.

Le destin du monde n’est plus déterminé par la lutte de forces bipolaires entre de grandes firmes transnationales et les états de nations puissantes - une lutte bipolaire qui est scellée par la structure même de l’OMC. La défaite de l’OMC à Seattle montre maintenant que la société civile globale a émergé avec la force élémentaire de contester le monopole du monde économique et des chefs politiques sur le destin du monde. Nous vivons maintenant dans un monde tripolaire de grandes entreprises, de gouvernements puissants et de la société civile globale. Si nous tirons la leçon centrale de la défaite de l’OMC à Seattle, c’est à présent le moment de comprendre la nature de la société civile globale en tant que troisième force.

Le livre prédit avec bonheur des aspects de la débâcle de l’OMC à Seattle

Plusieurs mois avant la "Bataille de Seattle", ce livre avait déjà développé la raison pour laquelle la société civile globale peut être considérée comme une troisième force dans les affaires mondiales d’aujourd’hui. II a même prédit, avec bonheur, que les tentatives d’assaut par le biais d’un autre accord inéquitable sur l’investissement semblable à l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI) de l’OMC à Seattle, échouerait à cause du gain d’influence exceptionnel de la société civile globale ces dernières années.

Soutien de la Conception de la Société Civile en tant qu’exercice du Pouvoir Culturel

Le livre montre en outre que le pouvoir de la société civile vient du "pouvoir culturel". Et qu’une manière d’exercer ce pouvoir culturel est le recours à la "pollution symbolique". Il n’est pas étonnant que ce soit précisément là le thème d’un article récent de Newsweek en rapport avec la Bataille de Seattle. Cet article utilise le terme de "culture jamming" (NdT.: brouillage de la culture) qui pour l’essentiel est la même chose que la "pollution symbolique".

"La Police revêtant un équipement anti-émeute et qui protège une sandwicherie Starbuck. Des agriculteurs français qui distribuent du fromage de contrebande en face de chez McDOnald. Une contestataire sans haut avait griffonné dans le dos MIEUX VAUT NUE QUE NIKE (NdT.: jeu de mots entre naked, nue et NIKE, le fabriquant de chaussures). Assurément, la Bataille de Seattle était une protestation contre l’Organisation Mondiale du Commerce, mais c’était aussi un "brouillage culturel" géant visant certains des logos les plus peaufinés.

L’idée du brouillage de la culture, aussi ancienne que l’activisme lui même, a pris de la vitesse pendant une décennie, et elle est devenue d’un bout de la planète à l’autre la tactique favorite des militants anti-transnationales. Sa forme la plus commune est de faire avorter des annonces, la pratique de parodier des publicités et de détourner des panneaux d’affichage. Dans un buste célèbre, l’artiste new-yorkais Ron English brochette la demande de Joe Camel aux enfants. II peint le chameau comme un jeune gosse Cancer, blotti, en train de jouer avec des jeux de construction plutôt qu’avec des voitures de sport et des boules de billard . . ..

L’idée du brouillage culturel est de retourner contre les transnationales leur propre message. Kalle Lasn, éditeur d’une revue de Vancouver basée sur l’éclatement des annoces-bulles, utilise l’art martial du jiu jitsu comme une métaphore domestiquée pour expliquer les mécaniques du brouillage. Un seul et simple mouvement adroit et le géant se retrouve sur son cul. C’est utiliser la vitesse de l’ennemi.

De plus en plus, des brouilleurs de culture s’engagent au delà de la parodie dans des luttes politiques vraiment mondiales, comme nous l’avons vu dans les rues de Seattle .... En pratique, il se peut que les compagnies "entartrées ne soient pas les plus agressives, mais celles qui placent leurs logos sous les lumières les plus crues. Cela peut paraître injuste, mais pour ce genre de compagnie, une nouvelle forme de responsabilité s’attache à la puissance de leurs marques [1]

Tentatives d’enchaîner et/ou de s’emparer des forces de la Société Civile

Le livre discute en outre, par le menu, pourquoi les puissances derrière la globalisation élitiste - une forme extrêmement préjudiciable de globalisation décrite dans le 2è Chapitre - ont commencé à reconnaître les forces de la société civile globale, même si c’est à contre-coeur . L’édition du 6 décembre 1999 de Newsweek, par exemple, se plaint que les ONGs, un segment clé de la société civile, ne soient pas toujours représentatives d’une assise électorale. Ils se demandent pourquoi les ONG obtiennent le droit de manier tant de pouvoir sans être élues démocratiquement.

Ce zeste d’opinion dans Newsweek ne comprend pas la manifestation du " pouvoir culturel", y compris le "brouillage culturel", dans les événements de Seattle. Quand le pouvoir culturel est dynamique, il n’évolue pas dans la sphère du vote et de l’élection. Il dévoile plutôt des questions se rapportant au sens, à la vérité, à l’éthique, à la moralité, à l’authenticité, à la légitimité, etc. Du fait que l’articulation de tels intérêts affecte profondément des politiciens et des hauts fonctionnaires sur les plans cognitif et comportemental, le pouvoir culturel peut produire de grands effets dans la société. C’est la raison pour laquelle la globalisation élitiste veut s’assurer que la vie culturelle est supprimée.

Claude Smadja, directeur-guide du Forum Economique Mondial (FEM), fait entendre un son plus positif. Même s’il parle pour lui même, les déclarations de Smadja sont particulièrement importantes. Le FEM est LE forum dans le monde où les vainqueurs de la globalisation élitiste se rencontrent annuellement à Davos, en Suisse, pour échanger des idées sur l’avenir du processus de la globalisation:

"Seattle a accouché de deux contestations distinctes. La première est une réaction dans les pays industrialisés contre la manière dont la logique économique a reçu le feu vert de remplacer des préoccupations sociales et politiques. De larges franges du public croient qu’en l’absence de toute influence corrective, la globalisation se développe d’une manière qui les force de plus en plus à vivre dans une économie plutôt que dans une société. Cette perception aide à expliquer pourquoi la quasi totalité des élections aux Etats-Unis révèle une inquiétude au sujet de l’avenir dans une période de croissance économique sans précédent. C’est ce que traduit une remarque souvent citée de Lionel Jospin, le premier ministre français :" Oui à l’économie de marché. Non à la société de marché".

"Avec la perception croissante de l’échec des mécanismes compensateurs qui ont existé dans nos sociétés, nombreux sont ceux qui voient maintenant l’action directe comme le dernier recours permettant de décharger les frustrations et les inquiétudes, d’exprimer des aspirations. Cela aide à expliquer la multiplication des ONGs et l’accroissement de leur impact. C’est pourquoi des commentaires et des articles qui vantent les vertus et les avantages du libre échange sont à côté de la plaque : les gens réagissent contre le processus de la globalisation non pas par ignorance, mais parce qu’ils se rendent trop bien compte de ce que ce processus, abandonné à sa propre logique, risque de faire de leurs vies."[2]

Urgence maintenue pour la Société Civile de Comprendre Son Identité

Le livre prédit également que ces pouvoirs élitistes déploieront leurs efforts pour résister à la société civile globale, ou la coopter ou coopérer avec elle. Le livre articule ensuite, et la question centrale, le besoin pour la société civile globale d’être au clair avec sa propre identité et avec sa place dans la société pour répondre de manière appropriée et créative aux contre mesures des puissances qui se tiennent derrière la globalisation élitiste.

L’urgence de cette question-clé du livre a trouvé sa confirmation dramatique dans un long article de l’hebdomadaire The Economist, 29 Janvier - 4 Février 2000. C’est un bastion influent des valeurs de l’OMC à grande diffusion; selon ce journal, les ONGs sont essentiellement des "marionnettes" des gouvernements et les instruments des entreprises qui opèrent dans le "commerce de l’aide".

"C’est ainsi que la raison principale du récent bond en avant des ONGs est que les états occidentaux les financent. Il ne s’agit pas d’une question de charité, mais de privatisation : beaucoup de groupes non  gouvernementaux deviennent des entrepreneurs des gouvernements. Les gouvernements préfèrent faire passer l’aide par des ONGs parce que c’est meilleur marché, plus efficace - et mieux contrôlable - que l’aide officielle directe.

Les gouvernements trouvent aussi les ONGs utiles parce qu’elles ne se contentent pas de distribuer de la nourriture et des couvertures. Certaines ramènent de l’information utile et intègrent à leur mission de le faire… Dans certains cas, des ONGs remplacent carrément les diplomates : elles n’essaient pas d’aider les victimes de guerre, mais elles arrêtent les guerres elles mêmes ...

Peut-être que le signe le plus fort du rapprochement entre les ONG et les gouvernements, en dehors de leurs liens financiers, est l’échange de personnel ... Dans le monde développé... un nombre croissant de fonctionnaires libèrent du temps pour travailler pour des ONGs, et vice versa : Oxfam a d’anciens membres dirigeants non seulement dans le gouvernement britannique, mais encore dans le Ministère des Finances d’Ouganda.

Cette relation symbiotique avec le gouvernement (certains groupes se font ainsi étiqueter GRINGOS) peut permettre aux gouvernements des pays en voie de développement de mieux travailler. Elle peut aider aussi des groupes d’aide à faire leur travail efficacement. Mais elle reflète difficilement leur indépendance.

Des ONGs peuvent aussi se fourvoyer trop près du monde des grandes entreprises. Certaines, connues des critiques comme "ONG business"[BINGOS], prennent délibérément exemple sur, ou dépendent grandement de, firmes particulières ... L’objectif de tels ONGs peut aisément varier : depuis trouver des solutions et aider des destinataires nécessiteux jusqu’à plaire à leurs donateurs et obtenir une couverture télévisée [une aide à collecter des fonds] ...

Toute nette division entre les mondes de la grande entreprise et de l’ONG s’est évanouie depuis longtemps. Un grand nombre d’ONGs opèrent comme des concurrents à la recherche de contrats sur le marché de l’aide, en levant des fonds grâce à des campagnes médiatiques raffinées et en faisant pression sur les gouvernements, aussi durement que dans tout autre commerce. Les gouvernements et les organismes de l’ONU pourraient maintenant, en théorie, faire des appels d’offres en direction des entreprises et des ONG pour l’exécution de leurs programmes. Que ce soit effectif n’est qu’une question de temps. Si les ONGs sont bon marché et bonnes à délivrer de la nourriture ou des soins médicaux dans des régions difficiles, elles devraient facilement enlever les contrats". [3]

L’article, basé sur la logique de ses faits et analyses, conclut :

"On peut argumenter qu’il importe peu que les ONG perdent leur indépendance, en devenant simplement un autre bras de l’état ou d’un autre commerce. GRINGOS et BINGOS peuvent être, somme toute, plus efficients que l’ancien mode caritatif ...

[Toutefois] Des ONG peuvent aussi viser à s’auto-perpétuer . Quand le problème pour lequel elles ont été fondés, est résolu, elles cherchent de nouvelles campagnes et de nouveaux fonds. L’ancien mouvement anti apartheid, son travail achevé, ne s’est pas dissous, mais au lieu de cela il est devenu un autre groupe de pression en Afrique du sud. Puisque les ONG deviennent de plus en plus puissantes sur la scène mondiale, voici le meilleur antidote de l’orgueil et de l’institutionnalisation : la dissolution quand le travail est fait. Le principal but des ONG devrait être leur propre abolition." [4]

Bien sûr, il n’y a pour l’essentiel aucune réponse valable au défi lancé par The Economist si les activistes de la société civile voient leurs institutions pas plus qu’impliquées dans de nouvelles formes innovatrices de gouvernement et pas plus qu’engagées dans le commerce socialement responsable. Ce n’est que si la société civile comprend son rôle de défendre et de faire progresser l’espace culturel et la substance culturelle que sa véritable essence commence à émerger puissamment dans la conscience du monde.

La Nature de la Société Civile dans son Essence

La société civile, sous sa forme moderne, implique les formations et les associations organisées et dynamiques dans la sphère culturelle. On compterait au nombre de celles-ci et entre autres les ONGs, les OPs, le monde universitaire, les media, et les groupes religieux (l’Eglise), contrastés mais pas nécessairement en opposition à l’appareil formel du gouvernement dans la sphère politique et au tissu des sociétés commerciales dans la sphère économique. Le commerce a le pouvoir économique. Les gouvernements manient le pouvoir politique. Mais la société civile utilise le pouvoir culturel.

La culture se déploie dans le champ des idées sous ses diverses formes, comprenant et ce n’est pas exhaustif, les vues sur le monde, la connaissance, les acceptions, les symboles, l’identité, l’éthique, l’art et la spiritualité. La "sphère culturelle" de la société est ce sous système de la société qui touche au développement des aptitudes pleinement humaines et à la production de la connaissance, du sens, à un sens du sacré, à l’art et à l’éthique.

La culture est cet espace social où sont produits l’identité et le sens. Les deux sont inséparables. L’identité et le sens donnent aux êtres humains leur orientation cognitive, affective et éthique. En bref, c’est la source qui détermine et soutient tout le comportement humain. La perte de sens aboutit à un ensemble de comportements aberrants et destructeurs. La découverte du sens se traduit par une créativité, une compassion et une productivité accrues. Il est clair que l’institution, dans ce cas, la société civile qui contrôle le sens et l’identité et, par conséquent, le comportement, pèsera très lourd dans la direction et dans les affaires de la société nationale et mondiale.

Appréhensions concernant la Société Civile en tant qu’Institution Culturelle

Le livre développe cette identité culturelle de la société civile, en étant attentif à deux objections majeures émanant de deux différentes tendances de la société civile elle même.

Une tendance dit que cette compréhension de la société civile d’elle-même rendrait la société civile apolitique et impuissante face aux actions de l’état et du marché. Ce sens de l’identité serait une sorte de fuite d’expression politique, une sorte de passivité devant les actions de l’état et du marché. Ce n’est pas inéluctable. L’OSC (Organisme de la Société Civile) peut s’engager consciemment dans le processus d’"institutionnalisation". C’est le processus social par lequel des valeurs, développées et articulées dans la vie culturelle, s’expriment de plus en plus par la manière dont les affaires politiques et les activités commerciales se déploient. Par exemple, le "brouillage culturel", tel qu’il a été discuté plus haut, peut être l’une des manières d’institutionnaliser les valeurs de l’OSC dans les domaines politique et économique. Le 5è chapitre de ce livre traite ce processus en détail.

Une deuxième tendance serait de dire que la compréhension culturelle que la société civile a d’elle-même n’est pas correcte, surtout parmi les ONGs, parce que beaucoup s’engagent dans l’action politique et que certaines se conçoivent comme des institutions politiques. Cette position recèle en elle un élément de vérité en ceci qu’il y a effectivement des OSCs qui ont une conception politique de leur identité. Mais c’est précisément la raison pour laquelle ce livre a été écrit et qu’est décrit dans son 4è chapitre le danger de rester dans l’illusion que la société civile ne serait qu’un phénomène purement politique. En outre, un bien plus grand nombre d’institutions de la société civile ne se perçoivent pas politiques ou commerciales. Elles se voient comme un "troisième secteur", un secteur clairement démarqué de l’état et du marché. Enfin, il y a ces OSCs qui s’autodéfinissent clairement comme des institutions culturelles. Dans l’Agenda 21 philippin, la politique officielle du développement durable du gouvernement philippin, les organisations de la société civile ont préconisé avec succès l’inclusion d’une définition de la société civile, celle d’institution-clé de la culture.

La Société civile, la "Bataille de Seattle", et la Nécessité de Processus Ternaires dans le Développement Mondial

La débâcle de l’OMC à Seattle désigne le futur en tant que véritable rôle de la société civile globale dans le développement mondial. A notre époque, à la fin du siècle, nous avons été témoin avec nos propres yeux de l’émancipation de la culture à travers l’activité puissante de la société civile globale. Cette émancipation de la vie culturelle de la planète va jouer un rôle considérable et puissant dans l’ensemble de la direction de l’évolution humaine.

Cette vie culturelle libérée, puissante, a deux tâches, les deux d’égale importance, et les deux absolument complémentaires l’une de l’autre, même si elles peuvent apparaître extérieurement comme des mondes séparés.

La première tâche est de défendre et d’étendre la vie et le rôle de la culture dans la société globale. L’accomplissement heureux de cette tâche se manifeste à présent dans le monde entier par la montée des organismes de la société civile dans la plupart des pays du monde. C’est la première étape, essentielle, car elle tient en respect les tendances prédatrices de nombreux états-nations et grandes sociétés.

Mais, après la Bataille de Seattle, la deuxième tâche de la société civile est maintenant aussi urgente et nécessaire que cette tâche de légitime défense, la première phase de l’expression moderne de la culture dans le monde. Avec la délégitimisation à grande échelle des principales politiques de développement économique, laquelle est prônée par des institutions comme l’OMC, une question-clé est désormais visible sur la scène centrale des débats politiques qui ont lieu dans les capitales du monde entier : Quelle est l’alternative et comment la réaliser dans le monde ?

Cette deuxième tâche de la société civile globale est le principal centre d’intérêt du 8è chapitre de ce livre. II discute comment la substance et les processus ternaires sont essentiels à la poursuite d’un développement durable authentique, globalement multidirectionnel.

Bref, le processus tricéphalique implique que les trois institutions-clé de la société - monde de l’entreprise, état et société civile - représentant les trois dimensions essentielles de la société, à savoir respectivement l’économie, le politique et la culture, ont à trouver une façon d’aplanir des différences, de s’entendre sur les premiers principes, et d’amorcer un engagement critique et respectueux des principes dans la course au développement durable. La substance de la Triplicité signifie que le développement durable dans sa totalité implique de prendre en compte dans le développement les intérêts non seulement économiques, mais également politiques et culturels, de même que les dimensions écologiques, sociales, humaines et spirituelles du développement. (Voir chapitres 8 et 9 pour traitement complet.) .

Les activistes des OSCs sont naturellement hésitants à s’impliquer dans la deuxième tâche - l’articulation et la réalisation d’un monde différent. Car la triarticulation, tout en étant un processus

des différents appareils de la société civile, est aussi un espace que le programme de nature problématique de l’entreprise et/ou du gouvernement doit intégrer. En dépit des difficultés, toutefois, la tâche de triarticulation de la société civile ne peut pas être évitée tant il est clair que la contestation ne peut pas à elle seule créer un monde différent. La contestation ne peut être que défensive; elle ne peut pas accoucher d’un nouveau monde. Car un nouveau monde ne peut être créé que par la participation des autres institutions légitimes de la société, y compris celles qui remplissent une fonction économique ou politique légitime, des responsabilités extérieures à la sphère de l’engagement direct de la société civile.

Le Livre demeure pertinent

A l’instar de ce qui peut être conclu de ce qui précède, les thèmes essentiels du livre sont aussi opportuns et pertinents que la première page des principaux quotidiens, hebdomadaires et revues mondiaux. Il est par conséquent important que les thèmes centraux du livre s’expriment à présent dans le monde germanophone grâce à la publication de l’édition allemande de ce livre. Cela peut élargir le dialogue essentiel qui s’instaure désormais dans les organismes de la société civile à travers le monde, de même qu’avec les institutions de l’état et du marché, lesquelles constatent à présent l’inévitabilité de pactiser avec la société civile globale.

Tandis que ce livre trouve accès au monde germanophone, l’auteur espère qu’il déclenchera la capacité latente des germanophones de faire progresser une vision du monde qui est tout à fait différente de ce qui reste du "consensus de Washington", lui qui nourrit beaucoup la pensée qui sous-tend des institutions telles que l’OMC. Ma propre expérience du partage des contenus de ce livre avec des publics allemands me convainc que le monde germanophone est aussi au centre de l’intense recherche d’un monde de style différent. Je suis optimiste, ce livre peut contribuer à cette recherche et déclencher une résistance plus forte à la globalisation élitiste et aider à l’émergence d’une approche plus innovante permettant de modeler la globalisation au bénéfice de l’humanité et de la planète.

Nicanor Perlas; Février 2000, Manille, Philippines

Notes

[1] KLEIN, N. 2000. "Busting" the Big Brands. Protesters commandeer famous brand names and turn them on the corporate world". Newsweek, 31/01/2000, p. 20A.
[2] SMADJA, C. 2000. "Time To Learn From Seattle : In the coming year, we need to recognize that "globalization machismo" has had its day." Newsweek, 17/01/2000, p. 52.
[3] "NGOs : Sins of the Secular Missionaries" The Economist, 29/01 - 4/02/2000, pp. 25 27.
[4] ibid., p.27.