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Monnaies alternatives et monnaies complémentaires
Les états actuels essaient désespérément de protéger leurs monnaies de l’activité globale des spéculateurs. Mais ce sont les états eux-mêmes qui sont à l’origine de cette dégradation de la valeur de l’argent.
L’argent temporaire
L’argent est en fait si pratique parce qu’on peut y faire appel quelque soit la marchandise et qu’il facilite énormément le troc. Mais s’il est imprimé par un état, il risque de perdre tout rapport avec la réalité économique. La griffe de l’état lui est simplement apposée et il est alors censé avoir telle ou telle valeur - éternellement. Le chiffre inscrit reste immuable, mais cela ne l’empêche pas de perdre son pouvoir d’achat. Mis à part le fait que les états trouvent leur intérêt dans l’inflation, parce qu’ils peuvent ainsi s’acquitter plus facilement de leurs dettes, ce n’est de toute façon pas à eux qu’il faut s’adresser quand il s’agit de rattacher une monnaie à la performance économique.
Il est par conséquent de la sphère des exigences fondamentales d’une triarticulation sociale que l’état transmette la responsabilité de la monnaie aux institutions économiques. Pour cela elles devront elles-mêmes veiller au cas où sa valeur chute d’une manière inouïe ou grimpe d’une manière extrême, à quasiment geler les exportations.
L’argent n’a de sens que tant qu’il y a quelque chose à troquer. Il faut par conséquent que l’argent ne soit créé que là où se forment des moyens de production utilisables, c’est-à-dire que là où des entreprises recoivent un crédit. Et plus important encore: Il doit être ensuite retiré de la circulation si les moyens de production correspondants deviennent inutilisables. Au cas où ceux-ci ne sont pas remplacés par de nouveaux moyens de production, aucun nouvel argent ne peut tout simplement pas être imprimé. De ce fait il est continuellement besoin de vérifier si l’argent a encore sa valeur d’argent. Sur des monnaies de cette sorte des spéculateurs se casseront les dents.
Chaque billet de banque, chaque monnaie ou - selon le cas - toute créance exige également que leur durée de validité corresponde à la durée d’existence des moyens de production afférents. On pourrait parler à ce propos d’un argent vieillissant. A ne pas confondre avec la proposition de Silvio Gesell, qui parle aussi d’un vieillissement de l’argent, mais qui voulait arriver par là à l’abolition de l’économie d’intérêt. Il ne s’agit pas d’attiser la circulation de l’argent au moyen de sa dévalorisation - de par exemple 2% par trimestre, mais au contraire de remplacer au moment opportun le vieil argent par du nouvel argent, afin qu’il ne perde pas de valeur. Les deux propositions ne peuvent pas être plus différentes bien qu’elles utilisent les mêmes mots. Pour éviter une telle confusion, il est à propos de parler chez Rudolf Steiner d’un argent temporaire, ou à durée limitée.
Cercles de troc en Argentine
En Argentine, où la monnaie officielle et avalisée par l’Etat s’est effondrée, la population a saisi elle-même le taureau par les cornes et a créé des monnaies alternatives sous la forme de cercles de troc. De dévaluation de la monnaie, les Argentins ne veulent franchement plus entendre parler. Et comme l’extension des cercles de troc va de pair avec celle de la confiance mutuelle, ils en sont somme toute protégés. L’essai d’une véritable monnaie alternative, du Credito, a échoué tout comme avant la monnaie étatique. Après un départ réussi, la monnaie dut bientôt être abandonnée parce qu’elle était contrefaite à grande échelle.
Ce qui est manifeste ici c’est qu’une économie alternative doit commencer tout d’abord petitement. Non pas dans le but de se séparer du reste du monde, mais dans celui de créer une base solide et crédible. Si c’est fait, les cercles de troc peuvent alors former des réseaux qui peuvent donner naissance d’abord à des monnaies régionales et puis à la mise en place d’une monnaie mondiale alternative. Une nouvelle globalisation d’en bas, au nez des états qui essaient déjà d’instrumentaliser leurs monnaies à leurs propres fins. Il suffit de penser au dollar. Les citoyens américains doivent un tiers de leur prospérité au fait que les autres gens du monde entier ne peuvent acheter des marchandises déterminées qu’en les payant en dollars. Pour détenir cet avantage, leur gouvernement n’hésite pas à occuper un pays comme l’Iraq si un Saddam Hussein fait connaître qu’à l’avenir il ne veut plus être payé de son pétrole en dollars, mais en euros.
Les Argentins ont encore leur destin en mains propres. Ils peuvent tout d’abord créer, parallèlement à l’ancienne, une nouvelle monnaie qui n’offre plus de prise à la spéculation internationale. Mais si les Argentins sortent de leur simple troc de marchandises ou de prestations de service et qu’ils commencent à prêter l’argent alternatif à grande échelle, ils se retrouveront devant la nécessité de se forger des idées sur un argent temporaire. Un argent à durée illimitée peut toujours et encore être prêté et ce sans restriction. Dans le cas de l’argent temporaire, le créancier recouvre l’argent qui provient de la même année que celui qu’il avait précisément prêté. Il peut acheter quelque chose avec. Si l’argent est entre-temps devenu trop vieux, il ne peut plus le prêter. Automatiquement l’intérêt de l’intérêt s’éteint alors, lui qui en 500 ans transformerait 10.000 dollars en un milliard de dollars. Des économies entières se brisent continuellement sur cette dynamique propre à l’argent à durée illimitée.
Le Chiemgauer - une monnaie régionale
Une entreprise-école de l’école Waldorf de Prien a introduit récemment une monnaie régionale, le Chiemgauer. L’interdiction allemande d’imprimer ses propres monnaies a été éludée via la fondation d’une association. Pour pouvoir utiliser le Chiemgauer, on doit par conséquent adhérer à l’association - adhésion qui toutefois est gratuite. Le taux de change est d’1 Chiemgauer pour 1 euro et il perd chaque trimestre 2% de sa valeur. Pour éviter des conversions compliquées chez le commerçant, de nouvelles marques doivent simplement être collées tous les trois mois sur les billets. Bien que fortement empreint de la proposition de Silvio Gesell, dans le cas du Chiemgauer on trouve aussi des éléments, qui - au moins symboliquement - réfèrent à l’argent vieillissant dans le sens de la triarticulation sociale. C’est ainsi que 3% de la vente devraient d’abord être destinés à l’intérêt général. Cela indique la troisième fonction de l’argent qui en plus d’être utilisé pour acheter et prêter, l’est aussi pour offrir. Beaucoup de ce qui a été financé jusqu’ici par les recettes fiscales, serait mieux servi par des donateurs d’argent agréés individuellement. Cela vaut en particulier pour le domaine culturel. C’est à cela que devrait servir précisément l’argent vieilli.
Un tel mélange de propositions de Silvio Gesell et de Rudolf Steiner présente le grand avantage qu’il fait connaître à tous les partisans d’une réforme monétaire la nécessité d’un argent de don. Pour beaucoup c’est un élargissement de l’horizon. Il serait souhaitable que s’y ajoutent des initiatives qui misent purement sur ce que proposait Rudolf Steiner : non pas l’usure progressive de l’argent, mais que l’argent soit temporaire. On pourrait s’imaginer par exemple que l’argent puisse être régénéré par son passage sur le compte d’une institution – association ou fondation - d’intérêt général. A l’instar du Chiemgauer, il est relativement simple d’introduire une telle monnaie.
Le fait que le Chiemgauer est mis en œuvre dans un cadre encore restreint, n’a pas permis jusqu’à présent de se faire encore une idée des falsifications possibles. Que cette monnaie devienne un succès et il faudra alors se préoccuper de que ce succès ne se retourne pas contre elle - comme dans le cas du Credito. Il y a déjà à ce propos des réflexions de la banque alternative allemande GLS-Bank/Ökobank, pour faciliter la tenue d’un compte en monnaies régionales - pour pouvoir payer avec des cartes de crédit, hautement sécurisées de surcroît.
Traduction française de l’allemand : Christian briard
Auf deutsch:
Alternative Währungen und Komplementärwährungen
In english:
Alternative money and complementary currency
En français:
Monnaies alternatives et monnaies complémentaires
In Español:
Monedas alternativas y divisas complementarias
Portugues:
Moedas alternativas e divisas complementares