Le rapport de l'anthroposophie et de la pédagogie Waldorf avec la pensée latérale, les théories du complot, le déni de la science et l'extrémisme de droite - 1ère partie

09.12.2022
<center>
traduction F. Germani v.01 - 31/12/2022 - original allemand

« Il serait tout de même dommage que ces Chinois supplantent toutes les autres races », remarquait Albert Einstein dans son journal[1]. Jusqu'à présent, seuls quelques lycées Albert Einstein ont toutefois pris leurs distances avec leur homonyme. Pourquoi le feraient-ils ? Il ne viendrait à l'idée de personne que ces écoles ne s'orientent pas sur les performances d'Einstein dans le domaine de la physique, mais sur ses omissions racistes. En revanche, l'association des écoles libres Waldorf semble obligée de se distancier sans cesse de Rudolf Steiner. Mais pourquoi ? Les écoles Steiner tiennent également compte, dans l'œuvre de leur homonyme, de ce qu'elles considèrent elles-mêmes comme juste, et bien entendu pas de ce qu'elles rejettent. Elles ne peuvent être jugées qu'à l'aune de leurs propres pensées, déclarations et actions. Comment se fait-il alors que des citations douteuses de Steiner leur soient constamment renvoyées à la figure, comme récemment avec Böhmermann ?



La ligne de crête contre la droite a fait mouche

Une réponse à cette question me semble résider dans le fait que l'association des écoles libres Waldorf a fait enregistrer le nom "Rudolf Steiner" comme marque et possède ainsi le monopole de la "pédagogie Steiner". C'est aussi pour cette raison qu'il n'a guère été possible jusqu'à présent de faire comprendre au public que chaque école Waldorf est indépendante, qu'elle est en règle générale soutenue par les parents et qu'elle associe le nom de Rudolf Steiner à des choses très différentes. Dès que quelqu'un interprète Steiner de manière raciste dans une école Waldorf, cela se répercute sur toutes les écoles Waldorf. Au lieu de corriger cette perception erronée, la Fédération la renforce encore en s'attaquant, au nom de la "marque Rudolf Steiner", à tout et n'importe quoi, en se distançant de tout au nom de toutes les écoles Waldorf et en attirant même l'attention du public sur les points de rattachement supposés de l'extrême droite dans le concept "des" écoles Waldorf.

Dans une vidéo (de relations publiques ?) récente de l'Union fédérale intitulée "Klare Kante gegen Rechts (Une ligne claire contre la droite)"[2], des croix gammées défilent allègrement sur une musique menaçante, tandis que la porte-parole déclare ouvertement que le "principe coopératif" des écoles Waldorf est réinterprété par les nazis comme "idée directrice d'une idéologie anticapitaliste et anti-juive". Des thèmes tels que "l'autogestion", "l'apprentissage de métiers anciens et traditionnels", le traitement "aussi de la mythologie nordique" dans l'enseignement ainsi que "l'agriculture écologique" offriraient en outre des points d'ancrage aux radicaux de droite.

Tout cela est tendanciellement vrai. On pourrait encore ajouter que l'ancrage des valeurs chrétiennes, la proportion relativement faible d'immigrés ainsi que les processus ritualisés et les expériences communautaires rendent les écoles Waldorf particulièrement attrayantes pour les partisans d'idéologies de droite ou d'extrême droite. Peut-être même plus que le bio, l'autogestion ou l'artisanat. Néanmoins, je ne m'explique pas l'objectif de relations publiques qui consiste à exposer publiquement ce genre de choses. Une école évangélique a-t-elle déjà expliqué quelles abominations peuvent être associées au nom de Jésus-Christ ? Ou un fabricant de couteaux de cuisine a-t-il déjà expliqué publiquement comment son produit pouvait également être utilisé comme arme de crime ? Non, l'école évangélique explique ce à quoi elle aspire réellement, et le fabricant de couteaux l'objectif réel de son outil.

Apparemment, l'association des écoles libres Waldorf a voulu une fois de plus plaire à ses détracteurs en affichant elle-même les prétendus "dangers" de la pédagogie qu'elle défend. Mais ni Böhmermann[3] ni aucun autre détracteur Waldorf ne s'est laissé attendrir par le fait que l'association s'était elle-même tiré une balle dans le genou par précaution. Pourquoi donc ? Dans l'introspection "critique" du Bund, tout se mélange à nouveau - pédagogie Waldorf, anthroposophie, idéologie de gauche, idéologie néolibérale, romantisme de 68, appartenance à un parti vert, mystique de droite.

J'ai moi-même fréquenté une école Waldorf. Je me souviens qu'un jour, mon professeur m'a raccompagné chez moi dans un bus VW déglingué qui enveloppait les passants de volutes noires et bleues nauséabondes. Il m'expliqua fièrement qu'en faisant ainsi l'économie d'une voiture neuve, il donnait un coup de balai au capitalisme et qu'en plus, il sauvait l'environnement. Que la pédagogie Waldorf ait quelque chose à voir avec un "principe coopératif" m'est néanmoins inconnu. Peut-être s'agit-il du "principe associatif" de Steiner (et donc de quelque chose de totalement différent du principe coopératif), vu à travers les lunettes de cette vieille sensibilité de gauche.

Si l'on interprète correctement l'"association" de Steiner, il s'agit en fait d'une "idéologie anticapitaliste", qui éclipse non seulement tout romantisme coopératif, mais aussi tous les systèmes socialistes[4]. S'il est donc justifié de mentionner l'anticapitalisme dans le même souffle que l'antisémitisme, comme le pense apparemment le Bund, alors les anthroposophes ont vraiment un problème. Les pédagogues Waldorf ne le sont pas forcément, car ils ne doivent représenter ni l'anthroposophie, ni aucun système économique. Mais d'une manière ou d'une autre, l'association des écoles libres Waldorf semble elle-même ne plus pouvoir faire la différence entre ces deux choses. Au nom de qui la Fédération parle-t-elle ? Pour la pédagogie Waldorf ? Sa clientèle bourgeoise ? Rudolf Steiner ? Pour la "société majoritaire" ? Ou pour l'agriculture écologique ? Bien sûr, elle a totalement raison, mais l'association Demeter n'a-t-elle pas son propre service de presse ? En tout cas, après avoir goûté à cette auto-dénonciation douteuse, le soupçon me vient que l'on a effectivement glissé dans cette pédagogie plus d'anthroposophie que ne le permettait Rudolf Steiner[5]. Cela pourrait expliquer la confusion.

Un conflit inévitable

Ma critique n'est cependant pas tout à fait juste, je l'avoue. Car même si l'Association des écoles libres Waldorf ne momifiait pas le cadavre de Rudolf Steiner comme une "marque", mais le libérait enfin et laissait aux anthroposophes le soin de traduire la voix de l'au-delà ; si, libéré de ce fardeau, elle s'érigeait en représentant des écoles libres, les attaques ne manqueraient pas. Même s'elle parvenait à transformer tous les points d'ancrage supposés pour nazis, comme l'autogestion, l'économie solidaire ou l'agriculture écologique, en pièces détachées de programmes des partis verts. Car la pédagogie Waldorf, aussi émancipée soit-elle, ne pourra jamais être séparée de Rudolf Steiner et de l'anthroposophie sur un point. Et c'est la notion d'esprit libre, à la fois comme sujet, objet, contenu et but de cette pédagogie, et en lien avec elle, dans sa réalisation sociale comme vie libre de l'esprit[6].

Toute école Waldorf ment dès qu'elle se distancie des humains, quelle que soit leur opinion, au moment où ils sont attaquées pour avoir exprimé leur opinion. Les représentants des écoles Waldorf libres peuvent être d'un autre avis que les "négationnistes de Corona", les "compréhensifs de Poutine" ou les "porteurs de chapeaux en aluminium". Mais ils ne peuvent pas participer au dénigrement des humains ainsi désignées, ne serait-ce que par un tel usage de la langue, ni à des démonstrations de distanciation ou d’invalidation (Cancelling), sans répandre du même coup un mensonge fondamental sur la source de leur propre pédagogie. Au moment où un humain est attaqué, humilié ou exclu pour sa libre expression, même erronée ou "dangereuse", les écoles Waldorf, par ailleurs a-politiques, devraient se tenir inconditionnellement à ses côtés - pour autant qu'elles soient justement des écoles Waldorf.

Parce que l'esprit libre n'est pas pour elles une théorie négociable, mais un fait vital, les écoles Waldorf, pour autant qu'on puisse les appeler ainsi, se trouvent en principe et durablement en conflit de principe avec la prétendue "société majoritaire" du présent. Et comme cette dernière évalue ce fait de manière tout à fait correcte, aucune autoflagellation, aussi joyeuse soit-elle, ne peut changer le fait que les représentants de "l'art de l'éducation" seront à l'étroit dans les années et les décennies à venir. Mais c'est là le véritable reproche que l'on doit faire à la fédération des écoles libres Waldorf : de perdre des forces et un temps précieux à se faire humilier pour des illusions, au lieu de regarder les faits en face sans préjugés et de se solidariser avec les forces de notre société éprises de liberté - tant que cela est encore possible. Dans la mesure où elle évite de le faire et qu'elle préfère parler des courants anti-libéraux actuels, la Fédération favorise, même inconsciemment, le triomphe des mouvements de droite nationale au niveau de la société dans son ensemble. Pour comprendre ce lien, il faut cependant avoir une vue d'ensemble des tendances de l'évolution actuelle et pouvoir y intégrer le mouvement des écoles Waldorf en tant que fait historique. C'est ce que nous allons tenter d'esquisser dans ce qui suit.

Les limites de la démocratie

La Commission européenne ne voit aucune restriction à la liberté dans les mesures de censure [7] qu'elle vient de prendre conformément aux dispositions du nouveau "Digital Services Act", mais aussi dans l'"inoculation" psychologique des cerveaux des élèves[8] - car les « informations » ne seraient pas des « opinions ». Le représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, explique : « Les faits sont une chose, les opinions en sont une autre. Les opinions sont libres, les faits sont des faits »[9]. Tant qu'elles ne revendiquent pas de lien avec la réalité, les pensées peuvent donc continuer à être exprimées librement. La sphère de la liberté est ainsi reléguée dans le domaine des sensibilités subjectives. Le gouvernement s'occupe de la vérité objective afin que les humains prennent les « bonnes » décisions : « La démocratie est un système alimenté par l'information. L'information est la matière première de la démocratie. Si les gens ne disposent pas de la bonne information, il leur sera difficile de prendre les bonnes décisions. Leurs décisions doivent être basées sur des informations de qualité, l'équité et la confiance dans les faits et les chiffres... Nous devons nous battre pour que les faits soient les bons et les vrais afin de promouvoir un système démocratique équitable"[10].

Cette pensée n'est ni nouvelle ni originale. Walter Lippmann, ancien conseiller du président américain Wilson et directeur du Council on Foreign Relations, décrivait déjà la démocratie comme une « expertocratie » dirigée par des « services d'information ». [11] Et lorsque des économistes européens de premier plan rencontrèrent Lippmann à Paris en 1938 pour planifier l'ordre futur de l'Europe, Alexander Rüstow souligna dans son discours de remerciement à l'Américain qu'un marché libre ne pouvait fonctionner que s'il était intégré dans une « unité » sociale, elle-même fondée non pas sur la liberté, mais sur une « hiérarchie » spirituelle"[12]. Après quelques discussions sur le nom approprié à donner à ce projet commun, Rüstow finit par s'imposer : il devait s'appeler « néolibéralisme »[13].

La pensée n'est cependant pas fausse non plus. La vérité n'est pas le produit d'un vote démocratique. Néanmoins, elle est une condition préalable au processus de formation de l'opinion et à la décision démocratique qui s'ensuit. La démocratie dépend donc d'un processus social qui, à son tour, ne fonctionne pas de manière démocratique. Plus encore : celui-ci ne doit pas être réglé de manière démocratique si l'on veut que la démocratie soit possible. Une démocratie ne vote pas, par exemple, sur les idées religieuses, les objectifs éducatifs ou l'orientation sexuelle des humains. Et pas non plus sur la vérité. Qu'il s'agisse de la Corona, du changement climatique ou de la guerre en Ukraine, la vérité sur ces sujets n'est jamais l'objet d'un vote démocratique, mais, comme le fait remarquer Josep Borrell à juste titre, elle en est la condition préalable.

La démocratie ne se définit donc pas uniquement par une procédure démocratique, mais aussi et surtout par le fait que celle-ci n'est pas appliquée à certains domaines. C'est là que réside l'erreur de raisonnement de nombreux détracteurs des mesures qui, à leur tour, exigent abstraitement plus de "démocratie" et occultent ainsi le problème fondamental. Ce n'est pas parce qu'un virus fait rage que chaque citoyen peut soudainement devenir virologue. Et surtout pas en suivant un cours rapide sur Google. Ce qui est efficace contre un virus ne peut donc jamais être décidé démocratiquement, mais uniquement par la compétence professionnelle de quelques-uns. Il en va de même pour les innombrables autres questions de fond dont le peuple attend la réponse de ses représentants. Mais si la vérité ne peut être trouvée par des votes démocratiques, ni être choisie de manière arbitraire par le gouvernement parmi le chœur des avis d'experts, alors la politique se trouve face à un dilemme. Elle ne peut faire ni l'un ni l'autre sans enfreindre l'idéal de la démocratie.

Le problème fondamental de la société de connaissance

Il est donc tout à fait logique que la Commission européenne tente maintenant, par le biais du « Digital Services Act » et de l' « inoculation » de la population, de générer une réception collective de la « vérité » et de s'assurer ainsi, en quelque sorte à rebours, le soutien spirituel et moral de ses actions. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas critiquer cette évolution. Mais la critique ne devrait pas s'arrêter à des agitations contre des personnalités individuelles, mais s'aventurer dans la structure profonde de notre société et soulever son problème fondamental. Si toute démocratie dépend du processus d'acquisition et de transmission des connaissances, mais que ce processus ne peut pas fonctionner démocratiquement et ne doit pas être dominé par le gouvernement, comment le saisir ? Comment le concevoir et comment déterminer sa relation avec la démocratie ?

Le progrès de l'humanité en matière de connaissances repose sur une spécialisation de plus en plus poussée et de plus en plus parcellaire. Chaque être humain ne voit plus qu'une infime partie de la réalité au moyen de sa propre perception. Ce n'est que pour cette partie qu'il peut affirmer que la vérité lui est « évidente » par sa propre observation. La majeure partie de son savoir repose en revanche sur la reprise des jugements d'autres personnes, dont les perceptions ne lui sont pas données. Au fur et à mesure que le savoir augmente, le lien direct entre la perception et le concept se rompt donc. Nous tous, si l'on peut dire, n'observons essentiellement plus de choses données par les sens, mais des idées flottant librement. Et c'est là, au fond, que réside toute l'énigme des « sociétés du savoir » modernes : Comment déterminons-nous notre relation avec les personnes dont nous adoptons les jugements ? Comment devenons-nous mentalement immunisés contre les "fausses affirmations" ? Comment nos connaissances complexes deviennent-elles évidentes ? Et comment une vérité commune est-elle possible, comment trouvons-nous l'unité sociale ?

L'équivalent de la démocratie

Si nous ne voulons pas perdre pied au sens propre du terme et être arrachés à la vie, nous devons à nouveau trouver un nouveau fondement solide pour nos jugements. Cela n'est possible que si notre capacité de jugement passe du niveau factuel au niveau relationnel. En effet, entre nous et la réalité, il y a maintenant l'autre personne qui observe les faits à notre place et nous transmet son jugement. Nous ne pouvons pas observer directement les faits nous-mêmes - mais nous pouvons observer cette personne et notre relation avec elle. Certes, tout le monde n'est pas capable de juger dans le domaine de l'autre. Mais chacun possède potentiellement la capacité de juger de la fiabilité de l'autre et de faire de lui une « autorité » dans le domaine concerné. Si nous n'avons pas encore pu développer cette capacité, c'est uniquement parce que nous nous sommes confortablement installés dans les normalisations et certifications étatiques qui nous ont jusqu'à présent épargné notre propre pouvoir de jugement dans les rencontres entre individus. Pour nous, un « expert » est celui qui est « considéré » comme tel - sans que nous l'ayons nous-mêmes désigné comme tel ou que nous puissions comprendre comment son statut a été obtenu.

C'est ici que Rudolf Steiner intervient. Comme les théoriciens de l'économie sociale de marché, il voit lui aussi des domaines qui ne peuvent pas être régulés démocratiquement - il les appelle « vie de l'esprit » et « vie de l'économie » - mais qui, selon lui, peuvent néanmoins être organisés de manière communautaire. Il faudrait d'abord trouver « l'équivalent » d'un vote démocratique pour ces domaines. Si nous n'y parvenons pas, parce que nous ne pouvons penser les processus communautaires que de manière démocratique, des rapports autoritaires se développent aux marges de la démocratie, qui se propagent ensuite dans la démocratie comme un cancer et la détruisent. C'est pourquoi il a opposé à l' « État unitaire » l'image d'une « triarticulation sociale » : Dans la vie de l'esprit, il faut s'appuyer radicalement sur la liberté humaine, de telle sorte que l'autorité scientifique ne résulte pas d'une reconnaissance étatique, mais du libre consentement de chaque individu. La liberté serait alors aussi possible dans une société moderne de la connaissance. Au lieu d'être subventionné par l'État, chaque enseignant, scientifique ou journaliste devrait donc dépendre des dons individuels. De cette manière, la vie de l'esprit devrait être construite à partir de la base, de l'école à la recherche en passant par l'université. L' « équivalent » du vote démocratique est donc, dans le domaine intellectuel, la reconnaissance individuelle et volontaire de l'autre être humain[14].

Le fondateur de l'anthroposophie ne pensait pas pour autant au mécénat, au sponsoring ou même à l'économisation de l'éducation. Il s'agissait plutôt d'organiser la vie économique de manière à ce que chacun soit en mesure de contribuer à la vie de l'esprit en fonction de son jugement individuel. La vie de l'esprit libre, l'économie associative et la démocratie se conditionnent mutuellement. Sans liberté, il n'y a pas d'égalité, et inversement : « Si la vie de l'esprit est vraiment placée sur son propre terrain, alors il ne pourra y avoir dans cette vie de l'esprit aucun rapport social de contrainte, mais seulement le rapport de la libre reconnaissance. Et cette libre reconnaissance s'impose d'elle-même au sein de la vie sociale... Il doit exister un domaine où les humains se sentent vraiment égaux. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, parce que d'un côté l'État a absorbé la vie spirituelle et de l'autre il attire à lui la vie de l'économie, qu'il attire donc l'autoritarisme des deux côtés dans son essence, et qu'il n'y a en fait aucun terrain sur lequel les humains devenus majeurs se sentiraient totalement égaux. S'il existe un terrain sur lequel les humains qui sont devenus majeurs peuvent se sentir totalement égaux, quelqu'un peut vraiment ressentir : En tant qu'être humain, je suis l'égal de tout autre être humain, alors il reconnaîtra l'autorité même dans le domaine où il ne peut pas ressentir cela parce que c'est une absurdité ... »[15].

Le principe de concurrence

Rares sont ceux qui pourront affirmer qu'ils portent un masque parce qu'ils ont étudié scientifiquement sa fonction protectrice. Au contraire, l'action de la grande majorité repose sur le jugement professionnel que d'autres ont porté pour elle. Il n'y a rien à redire à cela. Il va de soi que chaque personne dépend aujourd'hui du jugement d'autrui. Mais il est différent que cette dépendance repose sur la foi en l'autorité ou sur la reconnaissance des capacités de l'autre, et qu'elle soit donc librement choisie. La manière dont un autre devient pour moi une « autorité », le fait que cela repose ou non sur un jugement conscient de ma part, voilà ce dont dépend réellement mon statut de liberté dans notre monde hautement complexe. Et le degré de liberté définit à son tour la part de « vérité » qui vit réellement dans une société.

Comment la politique en est-elle arrivée à considérer le jugement de Christian Drosten comme déterminant ? Qui a nommé le milliardaire du logiciel Bill Gates médecin en chef de la population mondiale ? Telle était la question posée par les uns. Les autres ont rétorqué : comment Wolfgang Wodarg peut-il avoir l'audace de remettre en question la politique de Corona qui sauve des vies ? Est-il au moins un véritable « expert » ? D'une manière ou d'une autre, les humains se voyaient placés dans des rapports d'autorité qu'ils ne pouvaient pas soutenir intérieurement. Cela a provoqué la crise politique qui, dès le début, faisait partie de la crise de la Corona. Rudolf Steiner anticipa cette évolution en tant que destin nécessaire de l' « État unitaire » et exigea par contre une véritable liberté dans le sens où chaque position dans le domaine spirituel et culturel devrait résulter exclusivement de la libre reconnaissance des humains sur lesquels la personnalité en question voudrait justement agir en tant qu'autorité.

Appliqué au présent, cela signifierait que dans la mesure où les gens font confiance à Christian Drosten, son autorité suffit. En revanche, si les gens font confiance à Wolfgang Wodarg, l'autorité de ce dernier suffit. La demande de certains détracteurs des mesures d'inviter les deux adversaires à débattre dans un talk-show va dans ce sens. Elle montre qu'en effet, de plus en plus de personnes voient la nécessité de se placer dans une relation libre et autodéterminée avec l'autorité scientifique. Néanmoins, cette exigence est encore trop limitée. Pourquoi inviter précisément ces deux scientifiques ? L'espoir de créer un « espace de débat » médiatique est illusoire, car il intervient à la fin du processus de formation de l'autorité, dans lequel l’État est impliqué depuis le début par ses normalisations et certifications. Steiner parle au contraire d'une toute autre chose, à savoir de dissocier la genèse du statut d' « expert » des processus étatiques et juridiques. Toutes les positions dans la vie de l'esprit doivent, dès le début, c'est-à-dire de la fondation d'un jardin d'enfants à la création d'une université, ne pas dépendre de normalisations et d'autorisations étatiques, mais de la libre capacité de jugement des personnes concernées. Si les titres juridiques tels que « baccalauréat », « éducateur diplômé d'État », « master en virologie » ou « docteur en médecine » sont supprimés, ce n'est plus l'État, mais uniquement la réussite pratique qui peut déterminer la position sociale d'un humain. L'éducateur est alors celui qui le prouve quotidiennement aux enfants et aux parents, le médecin celui qui gagne la reconnaissance des patients guéris, et ainsi de suite.

La diversité plutôt que la monoculture

Le principe de concurrence, qui ne serait pas à sa place dans la vie de l'économie, appartient à la vie spirituelle et culturelle, selon Rudolf Steiner. Or, c'est justement sous l'influence d'une économie de concurrence que celle-ci tombe de plus en plus dans le socialisme spirituel. C'est pourquoi il pense qu'il faut prendre « la première décision radicale » d'arracher « réellement la vie de l'esprit à la vie étatique ». Ce n'est qu'ainsi que l'on pourrait faire en sorte que la production spirituelle et culturelle des humains « soit placée dans une concurrence totalement libre, qu'elle ne repose sur aucun monopole d’État, que ce que la vie spirituelle se procure comme valeur auprès des humains ... que cela puisse se révéler uniquement et seulement sur la base d'une concurrence totalement libre, sur la base d'une concession totalement libre aux besoins de la collectivité ... ». Car dans les domaines scientifique, culturel et religieux, « seul est justifié ce que les autres humains veulent vivre avec l'individualité humaine individuelle »[16].

La vie de l'esprit libre ne signifie cependant pas qu'il faut expérimenter et ignorer les connaissances existantes. Au contraire, les médecins, par exemple, qui sont appelés à le faire par leurs patients, se regroupent en « corporations ». Celles-ci mettent à leur tour leurs meilleurs éléments à disposition pour l'enseignement et la recherche. Si elle est ainsi construite à partir de la base, l'université s'enracine finalement aussi dans des rapports de reconnaissance libres et doit s'imposer face à l'expérience pratique. Bien entendu, les « corporations » de la vie de l'esprit peuvent établir leurs propres critères de qualité et certifier les futurs « experts ». Seulement, de tels certificats ne sont alors plus des « agréments » étatiques, mais des évaluations libres qui entrent en concurrence avec les critères d'autres corporations. Les humains iront consulter le médecin certifié par une certaine corporation, dans la mesure où celle-ci est, par expérience, synonyme de qualité élevée. Toutefois, comme ce n'est plus l'État qui fixe les normes et les autorisations, ils ont toujours le droit de se faire soigner par un autre médecin ou de désigner un autre humain comme « médecin ». C'est ce qui compte.

Obligation ou droit ?

L'argumentation des opposants à la liberté est aujourd'hui exactement la même qu'il y a cent ans. Lorsque Rudolf Steiner a demandé l'abolition de l'obligation scolaire, ils ont affirmé que, sans la contrainte de l'État, de nombreux parents préféreraient envoyer leurs enfants travailler aux champs plutôt qu'à l'école. Rudolf Steiner répondit : « Ce que j'ai dit ne concernait pas du tout cette question extérieure de l'envoi ou non des enfants à l'école. Dans mon livre « Les points essentiels de la question sociale », je parle d'un droit à l'éducation que l'enfant a, et pour lequel, même dans le futur système étatique, une contribution correspondante à l'éducation devra être donnée par la future vie économique. Je ne parle donc pas du fait que l'obligation d'aller à l'école est ressentie comme une gêne par les parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants à l'école, mais plutôt aux champs, mais je parle du fait que l'enfant a droit à l'éducation dans un organisme social sain. On pourrait alors dire : [...] Si ce droit à l'éducation de l'enfant est revendiqué, alors les parents devront envoyer les enfants à l'école, et on pourra alors, ma foi, laisser tomber l'obligation scolaire. Mais cela n'a rien à voir avec le fait de laisser la vie spirituelle se débrouiller toute seule, cela n'a rien à voir avec ce qui se fait dans les écoles, avec l'administration du système scolaire. L'autre jour, j'ai répondu à la question de la manière suivante : Si l'on n'a pas d'obligation scolaire, s'il existe (à la place) le droit à l'éducation, on peut même menacer les parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants à l'école d'instituer un tuteur éducatif pour l'enfant, qui représentera le droit de l'enfant à l'éducation auprès des parents ; alors ils enverront joliment les enfants à l'école. On peut en effet répondre à toutes ces questions secondaires si l'on a seulement la bonne volonté de comprendre vraiment la question principale : tout ce qui dépend du fait que la vie de l'esprit soit librement livrée à elle-même" »[17].

Ce qui peut apparaître à une observation floue comme une coupe de cheveux en quatre est, aux yeux de Rudolf Steiner, un point central de la question sociale. Si l'école est obligatoire, l'État doit nécessairement définir ce qu'est « l'école », et donc aussi tout ce qui s'y rapporte. On obtient alors le système éducatif actuel. En revanche, si l'État protège le droit de l'enfant à l'éducation, il ne doit pas nécessairement définir la notion d' « éducation » et déterminer les compétences que l'enfant doit atteindre, les conditions d'admission dans les établissements d'enseignement supérieur ou la qualification des pédagogues. Il peut prendre des mesures contre les parents et nommer un tuteur éducatif si le bien-être de l'enfant est menacé - sans pour autant définir, par le biais de lois scolaires, de programmes ou d'examens des enseignants, la manière exacte de veiller à ce bien-être. Dans une vie de l'esprit libre, cela incombe plutôt aux corporations concernées, qui désignent aussi le tuteur éducatif.

Un test de stress pour la liberté

La différence entre le devoir et le droit n'est pas plus à prendre à la légère que la différence entre l'avocat d'État et l'avocat. Mais pourrait-on encore faire cette différence lorsqu'il s'agit de la santé publique ou même de la vie ou de la mort d'enfants ? Les conflits entre les autorités et les experts « autoproclamés », qui font la une de l'actualité, semblent prouver à chaque fois que la réponse à cette question est clairement négative. Le scandale autour de Ryke Geerd Hamer est notamment resté gravé dans la mémoire collective. Le guérisseur miraculeux serait indirectement responsable de la mort de 80 patients parce qu'ils avaient fait confiance à sa méthode de traitement inefficace. En 1986, l'inventeur de la « Nouvelle médecine germanique » a perdu son autorisation d'exercer la médecine. Le tribunal administratif de Coblence a fait remarquer que Hamer n'était pas en mesure d'exercer la profession de médecin en raison de « la faiblesse de ses forces mentales, du manque de fiabilité et de la structure psychopathologique de sa personnalité ». Mais l'homme-médecine d'extrême droite a continué. Il a ensuite atteint une notoriété internationale en 1995 avec le cas de la petite Olivia Pilhar, âgée de six ans. Les parents ont soustrait la fillette atteinte d'un cancer à la chimiothérapie en fuyant à l'étranger, apparemment sur les conseils de Hamer. Ils ont finalement été arrêtés en Espagne. Ryke Geerd Hamer et les parents d'Olivia ont été condamnés, la fillette a été soumise à un traitement médical classique par la force policière. Elle survécut[18].

Des cas extrêmes comme celui-ci semblent prouver que l'idée d'une vie de l'esprit libre n'est pas réalisable. En effet, s'il n'y avait pas de médecine « reconnue » par l'État et donc pas d'autorisation d'exercer qui puisse être accordée ou retirée, comment pourrait-on protéger l'humanité des guérisseurs miracles ? La petite Olivia, âgée de six ans, n'aurait-elle pas été condamnée à mort ? En réalité, cet exemple prouve le contraire.

Perte de la confiance

Tout d'abord, la mise sous tutelle des parents d'Olivia, comme le montre ici l'exemple de la scolarité obligatoire, n'est pas en contradiction avec l'idée de libérer le système de santé de la tutelle politique et économique. Protéger les droits de la jeune fille aurait aussi été possible - mais probablement pas nécessaire - dans une vie de l'esprit libre. Les parents d'Olivia étaient en effet d'accord avec l'opération dès le début. Ils avaient toutefois des doutes quant à la chimiothérapie de plusieurs semaines qui avait précédé, et notamment l'administration de doxorubicine. L'hôpital pour enfants a toutefois refusé une opération sans chimiothérapie concomitante, et tous les autres médecins conventionnels consultés ont également fait preuve d'incompréhension face aux doutes des Pilhar. La méfiance fondamentale des parents a été renforcée par le fait que le ministre de la famille Martin Bartenstein, qui a ensuite ordonné la thérapie forcée de la fillette, était également président de l'association Kinderkrebshilfe et propriétaire et directeur de plusieurs entreprises pharmaceutiques - dont, selon le père, le fabricant de la doxorubicine, la préparation chimique utilisée pour Olivia. Le fait est en tout cas que peu de temps auparavant, la « commission d'incompatibilité » du Parlement autrichien s'était penchée sur les affaires pharmaceutiques du ministre, à la suite de quoi Bartenstein avait dû - du moins formellement - démissionner de ses fonctions de directeur auprès des groupes en question[19].

Huit ans plus tard, l'association allemande de lutte contre le cancer a commencé à remettre en question l'attribution forfaitaire de doxorubicine. En effet, 3% des enfants traités avec ce médicament ont vu leur cœur battre moins bien, et certains ont même dû subir une transplantation cardiaque[20]. En 2015, une étude à long terme a démontré que la doxorubicine n'augmentait pas les chances de guérison du type de cancer du rein diagnostiqué chez Olivia Pilhar, mais qu'elle réduisait considérablement l'espérance de vie de 5% des enfants[21].

Les images de la libération de la jeune fille mortellement malade des griffes de ses parents présumés fous ont fait le tour du monde. L'autre côté de l'histoire n'a pas été raconté jusqu'à aujourd'hui. Mais elle doit être prise en compte si l'on veut comprendre comment les Pilhar ont pu tomber dans le piège du thaumaturge d'extrême droite. Dans la perception des parents, Olivia devait être entraînée dans les rouages d'un conglomérat d'intérêts spirituels, économiques et politiques, qui s'était constitué en toute indépendance de son jugement et s'était montré immunisé contre ses préoccupations légitimes. Hamer, en revanche, écoutait et montrait de la compréhension.

Les écoles Waldorf sont-elles de la camelote ?

Le fait que les inquiétudes des parents se soient révélées après coup, du moins pas totalement infondées, ne signifie certes pas que le traitement à la doxorubicine était faux du point de vue de l'époque. Peut-être que les médecins conventionnels prendraient aujourd'hui la même décision avec la même anamnèse. Et l'implication du système de santé, de l'économie et de la politique ne justifie évidemment pas l'approche thérapeutique de la "nouvelle médecine germanique". Mais l'histoire des Pilhars jette une lumière crue sur la question des formes de formation de l'autorité adaptées à une société de la connaissance. Comment organiser la vie de l'esprit, y compris la santé publique qui est l'une de ses branches les plus importantes, et comment déterminer ses relations avec la vie économique et juridique, afin que l'on puisse lui faire confiance ?

En fondant la première école Waldorf en 1919, Rudolf Steiner a tenté de donner un exemple de la manière dont la vie de. L'esprit pourrait être placée sur son « propre terrain ». « Il n'y a pas de programme ni de plan d'études, mais il y a l'enseignant avec ses capacités réelles, et non pas avec le décret sur ce qu'il doit savoir. On a affaire à l'enseignant réel, véritable. Il est toujours préférable d'envisager un enseignant réel plus mauvais que celui qui se trouve simplement dans le règlement, qui n'est pas réel", expliquait Steiner.[22] A cette époque, l'étatisation de la vie de l'esprit n'en était qu'à ses débuts. Steiner fit remarquer que la fondation de l'école Waldorf de Stuttgart n'avait été possible que grâce à une « lacune » non encore comblée dans la loi scolaire du Bade-Wurtemberg. Lorsque d'autres initiatives de fondation ont vu le jour, il a mis en garde : "Toutes les écoles que l'on tente aujourd'hui ailleurs, c'est en fait de la foutaise. Elles doivent avoir des enseignants qui ont été testés. Aucune deuxième école Waldorf ne sera plus autorisée dans les conditions actuelles"[23] . Il excluait catégoriquement de conclure un compromis et de dépendre d'une qualification des enseignants certifiée par l’État : « Si l'on dit que nous pourrions créer une école libre, mais que nous ne pourrions y parvenir que si nous trouvons des enseignants certifiés par l’État, cela prouve que l'on ne comprend rien à la chose. Car cela signifie tout simplement que l'on s'en tient à l'ancien et que l'on ne fait que le moderniser, c'est-à-dire que l'on jette du sable dans les yeux des gens. Et l'époque est trop sérieuse pour cela »[24].

Rudolf Steiner mourut six ans après la fondation de l'école Waldorf de Stuttgart. Le mouvement des écoles Waldorf continua à vivre - et à grandir. Lorsque Hitler prit le pouvoir en 1933, il existait déjà 9 écoles Waldorf en Allemagne, d'abord en tant qu'établissements autonomes et indépendants les uns des autres. Les nazis les obligèrent cependant à se regrouper en une « Fédération des écoles Waldorf » afin de mieux les « mettre au pas »[25]. Malgré cela, d'autres promotions furent d'abord interdites, puis les écoles Waldorf le furent complètement. Après la guerre, elles purent rouvrir et la pédagogie Waldorf connut alors un véritable boom, en particulier dans les années 80. Aujourd'hui, il existe 1.214 écoles Waldorf dans le monde, dont 252 rien qu'en Allemagne. Bien entendu, elles sont toutes placées sous la surveillance de l'État et emploient des enseignants diplômés d'État. Dans les relations entre elles, elles ont cependant réussi, il y a quelques années encore, à se rapprocher du principe d'une vie spirituelle libre. L'alliance imposée par les nazis a été ressuscitée et délibérément inversée. Au lieu d'offrir à l'État un droit de regard central, la « Fédération des écoles libres Waldorf » devait désormais représenter les intérêts des écoles autonomes face au public et au pouvoir de l'État. Des enseignants expérimentés furent rappelés pour former les futurs enseignants. C'est ainsi que furent créés des séminaires et des universités propres, soutenus financièrement par toutes les écoles Waldorf. Celui qui obtenait un « diplôme Waldorf » pouvait prouver qu'il avait été jugé capable par des pédagogues Waldorf expérimentés dans la pratique. Rien de plus, rien de moins.

Les fantômes du passé

Alors que l'on acceptait d'une part les normalisations étatiques, on construisait d'autre part des structures dans le sens d'une vie spirituelle libre et on les opposait à l'administration étatique de l'éducation. Mais aujourd'hui, le vent tourne. La Fédération souhaite de plus en plus ouvertement intervenir dans les écoles, avec l'État derrière elle. Parallèlement, elle s'attaque juridiquement à tous ceux qui lui font concurrence. Elle seule, et personne d'autre, a le droit, garanti par l’État, de décider de l'utilisation du nom « Rudolf Steiner » ou « Waldorf ». Celui qui obtient une licence de l’État fédéral en tant qu' « école Waldorf » est en outre tenu de n'employer que des enseignants qui sont passés par ses centres de formation. La tentative historique de créer une image opposée à l'organisation étatique de l'éducation risque ainsi de se transformer en une imitation ridicule de celle-ci.

La Corona fait ici aussi office d'accélérateur de feu. La peur rôde. De se retrouver du « mauvais » côté, ne serait-ce que parce que l'on connaît quelqu'un qui ne fait plus partie des « bons ». On s'empresse alors de couper les liens sociaux, car la culpabilité du contact n'est évitée que par celui qui évite le contact. Christoph Hueck, biologiste moléculaire et professeur de pédagogie Waldorf à l'Académie Akanthos, en a fait la douloureuse expérience. Les médias ont réduit ses réflexions complexes sur la pandémie de Corona à la formule selon laquelle un système immunitaire fort n'a pas besoin de médicaments. Cela a rapidement incité la Fédération des écoles libres Waldorf à prendre position : Hueck n'était plus actif dans la formation des enseignants[26] . C'était une affirmation manifestement fausse, puisque Hueck forme des enseignants. Mais le bureau fédéral en a rajouté un peu plus tard en affirmant que « sans la reconnaissance et la licence d'un séminaire par le BdFWS, une formation initiale et continue d'enseignants Waldorf ne serait pas possible »[27]. Cette deuxième affirmation devait sans doute légitimer la première, mais elle est tout aussi fausse. Après tout, le contenu du terme de pédagogie Waldorf n'est lié ni au droit des marques de l’État fédéral ni à une reconnaissance par l’État.

La dernière victime des monopolistes de Steiner devrait être Axel Burkart. La « Rudolf Steiner Holiversität » qu'il a fondée propose des séminaires sur l'épistémologie et les recommande entre autres aux pédagogues. Burkart a maintenant reçu un avertissement coûteux/mise en demeure couteuse lui demandant de changer le nom de son institution. Seule la Fédération a le droit d'utiliser le nom « Rudolf Steiner » dans le contexte pédagogique. En outre, le comité fédéral a écrit à tous les établissements membres pour leur demander de ne pas informer le collège des offres de Burkart. Les pédagogues Waldorf ne sont donc pas en mesure de se faire une opinion par eux-mêmes. Ainsi, l'association des écoles libres Waldorf trahit le nom de Rudolf Steiner au nom de la protection de ce dernier. C'est une blague en escalier de l'histoire, mais elle est dans l'air du temps. (*)

L'absence de liberté est utopique

Contre la liberté, la Fédération invoque la même vieille objection que la Commission européenne et qui, depuis la nuit des temps, est censée justifier l'institutionnalisation du pouvoir : La liberté est dangereuse. Si les gens sont libres d'interpréter la « pédagogie Waldorf », peut-être fondent-ils des écoles nazies ? Et s'ils peuvent choisir librement leurs « experts », finiront-ils par croire Poutine ? Les dissidents ne portent pas de masque, boivent de l'eau de Javel et sont contre les livraisons d'armes. On dit même qu'un politicien du NPD a un jour fondé une école Waldorf. De quelles preuves a-t-on encore besoin ? L'humain est stupide, dangereux et né pour ne pas être libre. Il faut l'empêcher d'être contaminé par les « fake news » et de salir la belle entreprise Waldorf.

Mais racontées dans leur intégralité, même les histoires les plus extrêmes comme celle d'Olivia Pilhar prouvent le contraire de ce pour quoi elles sont instrumentalisées par les ennemis de la liberté. Elles ne prouvent pas que se baser sur la liberté de jugement est dangereux, mais plutôt que la méconnaître l'est. Le fait que l'antisémite Ryke Geerd Hamer ne disposait pas d'une autorisation de l’État ne nuisait en rien à sa réputation, bien au contraire. Aux yeux des parents d'Olivia, l'autorisation d'exercer représentait un système de santé qui dépendait d'intérêts politiques et économiques. Hamer, en revanche, parlait pour lui-même. On ne peut lui retirer le terrain, à lui et à ses semblables, qu'en remettant la vie spirituelle sur ses propres pieds et en la faisant à nouveau vivre comme authentique. Il n'en va pas autrement des nombreux autres exemples, parfois amusants, parfois effrayants, de pensée latérale ou libre "autoproclamée", qui sont présentés quotidiennement au peuple à titre dissuasif.

On pourrait passer en revue toutes les déviations possibles et imaginables, mais on arriverait toujours à la même conclusion : elles sont elles-mêmes les raisons les plus fortes pour une vie de l'esprit libre. En effet, tout humain revendique aujourd'hui la liberté, indépendamment de sa « compétence » sur n'importe quelle question de fond. On peut en penser ce que l'on veut, mais cela reste le fait fondamental avec lequel tout ordre social doit compter. Que l'on veuille y voir l'aube d'une évolution spirituelle supérieure ou un simple égoïsme, les faits n'en tiennent pas compte. Les impulsions de liberté réprimées sont détournées par des démagogues, se canalisent dans des courants radicaux et finissent par se décharger dans la violence. « Celui qui pose une valeur absolue, même si c'est la santé qu'il prétend servir, pour annuler ainsi tous les droits fondamentaux et libertés pertinents, a quitté le terrain de l'ordre fondamental libéral et démocratique !" Cette mise en garde n'émane pas d'un "parti populaire" établi, mais de Björn Höcke qui, grâce à la pente raide du gouvernement fédéral, peut désormais se comporter en combattant de la liberté et faire un brillant come-back.

Lors des élections régionales de cette année en Basse-Saxe, en fait l'un des Länder les plus faibles pour les populistes de droite, l'AfD a déjà doublé son score. Les élections législatives dans d'autres États membres de l'UE laissent présager ce qui nous attend maintenant, après un bashing excessif du négationnisme de Corona et de la compréhension de Poutine, lors des élections régionales dans les bastions de l' « Alternative pour l'Allemagne » : En Suède, l'ultra-droite a obtenu cette année 21% à la surprise générale, en France, avec 42%, elle a manqué de peu le mandat gouvernemental, et en Italie, avec 44%, elle constitue désormais la force la plus importante. Mais même au sein du mouvement des écoles Waldorf, des phénomènes tels que la radicalisation, la re-régionalisation et l'autonomisation de mouvements dissidents augmentent de manière analogue à la consolidation apparente d'un pouvoir central. Le consensus ne peut pas être obtenu par la répression ou l'exclusion de ceux qui pensent différemment. C'est plutôt la loi de la polarisation et de l'augmentation qui s'applique, dans un sens négatif. Si elle n'est pas corrigée à temps, la direction prise par la Fédération des écoles libres Waldorf conduira à sa propre dissolution, et celle de la Commission européenne à la désintégration de la communauté européenne.

Le grand sentiment de nous/d'appartenance

Celui qui ne veut la liberté que dans la mesure où il ne se met pas lui-même ou sa propre entreprise en danger, n'a en fait jamais été libre. La nouvelle agitation de la Fédération des écoles libres Waldorf contre les dissidents au nom de la « marque » Rudolf Steiner est donc une révélation de soi, même si elle est involontaire. La protection de ce qui est devenu, sa sécurité économique, juridique et spirituelle, le confort de la maison habituelle, la poursuite sans entrave de ses propres penchants - c'est ce que confond avec la « liberté » celui qui s'arrête devant ses dangers réels ou imaginaires.

La liberté, du moins dans le sens où l'entendait le fondateur de la première école Waldorf, commence par le franchissement de la frontière que la Fédération veut défendre. L'argument de Steiner n'a en effet jamais été qu'une vie de l'esprit libre fonctionnait déjà ou qu'elle était même sans danger. Bien au contraire. Il appelait à oser franchir le pas risqué de la liberté, car c'est la seule manière de développer les facultés impérativement nécessaires à une démocratie, dont notamment celle de se faire une « image » réelle de son prochain. Il avait raison. La liberté elle-même est le moyen de surmonter les maux qui devraient nous effrayer. Et c'est la seule. Si la libre faculté de jugement de chaque être humain est vécue comme constitutive de la vie de l'esprit, parce que la libre reconnaissance d'humain à humain soutient réellement, donc aussi économiquement, toutes les institutions spirituelles, la base d'une confiance mutuelle et donc d'un nouveau consensus social est en même temps créée.

Ce n'est qu'en apparence que les années Corona prouvent le contraire. Apparemment, une majorité a volontiers soutenu les mesures et a même vécu, si l'on en croit les rapports des médias, un nouveau « sentiment d'appartenance ». Mais en réalité, la « communauté de solidarité » proclamée n'a jamais bénéficié du soutien prétendu d'une « grande majorité ». Les « négationnistes de Corona » affichés publiquement n'étaient que la pointe de l'iceberg, tandis qu'une partie bien plus importante de la population a été durablement « aliénée » à la démocratie par le mépris de sa liberté de jugement. Déjà en juin 2021, un sondage Allensbach a révélé que plus de la moitié de la population est désormais convaincue qu'en Allemagne, on ne peut plus exprimer librement sa propre opinion[28]. Les rapports de majorité publiquement affirmés et réellement existants divergent désormais de manière encore plus extrême en ce qui concerne la position sur la guerre en Ukraine : selon un sondage Forsa, la majorité des Allemands est contre les livraisons d'armes et pour des négociations avec la Russie - au prix de cessions de territoires.

D'autre part, la « solidarité » tant vantée des partisans des mesures avec eux-mêmes est extrêmement fragile. Qu'est-ce qui maintient la cohésion de ce groupe ? « C'est comme une guerre mondiale, sauf que dans ce cas, nous sommes tous du même côté », a déclaré Bill Gates pour résumer le principe de la politique de Corona qui crée une communauté. La peur est donc le contenu, la « guerre » contre Corona et ses prétendus détracteurs le ciment du nouveau « nous ». Une cohésion simulée par une opposition commune se désagrège toutefois lorsque la menace ressentie s'estompe. Lorsque la vague de peur a sensiblement perdu de son élan au tournant des années 21/22, la fin du « consensus » ainsi construit semblait donc proche. Mais Poutine a ensuite attaqué l'Ukraine, fournissant ainsi un substitut valable. La « guerre mondiale » dans nos têtes a pu se poursuivre, la « communauté solidaire » a continué à se serrer les coudes. Désormais, elle économise, se gèle ou s'affame pour vaincre le « fou de Moscou ». Mais jusqu'où la communauté d'objectifs formée par l'adversité extérieure nous porte-t-elle encore - et que se passera-t-il ensuite ?

 

 

 

(*) Supplément sur le travail de relations publiques de la Fédération :

Le cas Burkart est l'exemple le plus récent de la manière dont le prétendu entretien de l'image de la Fédération nuit à toutes les écoles Waldorf. Axel Burkart n'a en effet jamais donné l'impression de parler au nom des écoles Waldorf, mais s'est au contraire identifié comme un anthroposophe indépendant et un interprète de Steiner. Jusqu'à présent, les médias ne l'ont pas non plus présenté comme étant d'extrême droite ou comme étant représentatif de « l' » école Waldorf - ils ne se sont même pas particulièrement intéressés à lui. Après que la Fédération des écoles libres Waldorf ait mis en garde contre Burkart et l'ait attaqué juridiquement, la société anthroposophique de Stuttgart a interdit l'utilisation de ses locaux pour une soirée prévue avec Burkart. "L'arrière-plan est, comme nous l'avons appris au cours des dernières semaines, que les thèses d'Axel Burkart sont très controversées dans ses vidéos partiellement accessibles au public", explique la Maison Rudolf Steiner sur son site Internet. La manifestation comportait "le potentiel que les positions de Monsieur Burkart puissent être interprétées comme celles de la Société anthroposophique dans son ensemble". L'annulation a ensuite donné lieu dans la presse à des gros titres comme celui-ci :

L'anthroposophie a-t-elle un flanc ouvert vers la droite ? Une fois de plus, les milieux Waldorf doivent se pencher sur la question de la démarcation avec l'extrémisme de droite. La raison en est une manifestation qui devait avoir lieu vendredi prochain dans la maison Rudolf Steiner sur le campus de l'Uhlandshöhe à Stuttgart. L'auteur de livres et ésotériste Axel Burkart devait y parler, sur invitation de la Société anthroposophique (AG) de Stuttgart, de "l'arrière-plan spirituel des événements actuels". Le samedi, il voulait approfondir ses connaissances dans le cadre d'un séminaire d'une journée. A court terme, les deux manifestations ont été annulées mercredi matin. Une lettre rédigée à la hâte mardi par le groupe de travail régional (LAG) des écoles libres Waldorf a sans doute été déterminante à cet égard"[29].

Maintenant, "les" écoles Waldorf ont à nouveau un problème avec l'extrémisme de droite dans la perception du public. Ce n'est pas Axel Burkart, mais la vague de distanciation hystérique initiée par l'a Fédération des écoles libres Waldorf qui a finalement provoqué le lien entre « radicalisme de droite » et « pédagogie Waldorf ». Le journal Stuttgarter Zeitung cite même comme preuve des opinions de droite de Burkart : "Dans le magazine Waldorf largement diffusé "Erziehungskunst", il (Axel Burkart) est classé comme représentant de la Nouvelle Droite".

Cette « stratégie », si l'on veut l'appeler ainsi, est suivie depuis des années par la représentation commune des écoles Waldorf. C'est cela, et non pas des déclarations malheureuses de certains anthroposophes, qui a essentiellement provoqué la perception correspondante des écoles Waldorf. Mais si c'est l'effet pratique du dogmatisme du nom, de la distanciation et de l'annulation de la culture, alors toute la magie n'est quand même pas due aux nécessités du travail de relations publiques. Les causes sont alors tout autres.

De plus, ce « travail de relations publiques » confond à nouveau la pédagogie Waldorf et l'anthroposophie. Comment veut-on faire croire que les écoles Waldorf ne sont pas des écoles anthroposophiques si l'association des écoles Waldorf libres peut ordonner à la Société anthroposophique de désinviter un conférencier ?

La Société anthroposophique affirme certes que l'influence de l'association des écoles Waldorf s'est limitée à de simples « recommandations ». Cela suffirait à poser problème. La déclaration de la LAG à ses établissements membres sonne néanmoins différemment : « La Landesarbeitsgemeinschaft der Freien Waldorfschulen in Baden-Württemberg e.V. (LAG BW) a consacré beaucoup de temps et d'efforts pour que la Société anthroposophique de Stuttgart (AGS) annule la manifestation avec Axel Burkart prévue pour le vendredi 09.12.22 ». En fait, l'AGL a écrit à la société anthroposophique : « La manifestation que vous prévoyez est une gifle à tous ceux qui s'engagent pour une démarcation claire vis-à-vis des milieux de droite et d'extrême droite. Avec une telle manifestation, on montre au public que les idées de droite et l'anthroposophie sont apparemment compatibles. Nous nous y opposons fermement. De ce point de vue, il ne reste qu'une étape : annulez immédiatement cette manifestation et distanciez-vous des contenus qui relèvent des milieux de droite et d'extrême droite »[30].

C'est bien plus qu'une « recommandation ». Et cela montre clairement que l'association des écoles Waldorf ne parle pas ici au nom d'un courant pédagogique, mais au nom de l'anthroposophie : « Avec une telle manifestation, on montre au public que les idées de droite et l'anthroposophie sont apparemment parfaitement compatibles. Nous nous opposons fermement à cela ». A l'inverse, la Société anthroposophique ne semble pas non plus avoir de problème à être mise au pas par le détenteur des droits du nom « Rudolf Steiner ». Ce qui va de pair semble donc se rapprocher.

Pour prouver les convictions de droite d'Axel Burkart, le comité directeur de la LAG cite d'ailleurs exclusivement des publications proches de Waldorf, comme le numéro de Erziehungskunst consacré au thème "Klare Kante gegen Rechts", qui a fait l'objet de nombreuses critiques. Mais il y a encore plus grave. Car l'association des écoles libres Waldorf doit maintenant récupérer les relations publiques négatives qu'elle a déclenchées. Bêtement, le Stuttgarter Zeitung sait cependant encore rapporter à propos d'Axel Burkart, en outre qu'il appartiendrait à la "nouvelle droite" : "Burkart considère de toute façon l'inspection scolaire étatique comme un mal". Le groupe de travail des écoles libres, dont le LAG fait également partie, prend position comme suit : « L'inspection scolaire par l'État, telle que le référent prévu de la Société anthroposophique semble la remettre fondamentalement en question, est depuis de nombreuses années une condition évidente pour les autorités scolaires libres pour la création et le fonctionnement de leurs établissements d'enseignement ». Pour les promoteurs d'écoles libres, les "fondements tels que les plans de formation en vigueur, en particulier en ce qui concerne leurs perspectives directrices socio-politiques" sont incontournables[31].

Je paie l'impôt sur le revenu, même si je suis d'avis que tous les impôts devraient être prélevés sur la consommation. Tant que je ne tue personne pour cette conviction, mais que je cherche simplement le débat public sur le meilleur système fiscal possible, mon opinion ne fait pas de moi un ennemi de la Constitution, bien au contraire. De même, les écoles Waldorf libres se soumettent à l'autorité scolaire de l’État, sans pour autant trouver ce fait juste. Mais l'association des écoles libres Waldorf a réussi à ce que même l'évidence de pouvoir être d'un avis différent dans une démocratie soit mise en relation avec l'extrémisme de droite - et doit donc maintenant prendre ses distances à cet égard : « Nele Auschra, membre du comité directeur et porte-parole, affirme : 'Les écoles Waldorf, en tant qu'écoles reconnues et gérées de manière indépendante, se considèrent naturellement comme faisant partie du paysage scolaire allemand - et c'est bien et juste ainsi!' Les écoles gérées de manière indépendante complètent et diversifient l'offre d'écoles d'enseignement général en Allemagne. D'un point de vue juridique, elles sont soumises à l'inspection de l'État, mais ont la liberté, garantie par la Loi fondamentale, de suivre leur propre approche pédagogique et d'adapter leur enseignement à celle-ci »[32].

Ceux qui lisent cette prise de position de la Fédération des écoles libres Waldorf comme une profession de foi en faveur de la liberté ne tiennent pas compte du contexte. La Fédération répond ici au Stuttgarter Zeitung. La référence à la « liberté garantie » de pouvoir suivre « sa propre approche pédagogique » s'inscrit dans un récit hostile à l'idée d'un système éducatif libre - que, curieusement, la Fédération a elle-même mis en avant. En effet, la Confédération reconnaît ici sans restriction la surveillance de l'école par l'État. En effet, celle-ci ne s'étend pas seulement, « d'un point de vue juridique », à des « droits » évidents tels que la protection des élèves contre la violence, mais aussi aux contenus pédagogiques, aux qualifications, aux critères d'évaluation et aux diplômes. Critiquer cela relève d'une position libérale classique - et de la signification réelle du petit mot « libre » dans l'expression « école libre Waldorf ». L'action de relations publiques de la Fédération rapproche cependant l'idéal éducatif de Humboldt d'idéologies hostiles à la démocratie et à la Constitution - et ce dans le contexte actuel du battage médiatique autour des rafles de citoyens du Reich. « Freies Geistesleben » (vie de l’esprit libre) sonne désormais d'une manière ou d'une autre hostile à l'État et éveille des associations avec des fantasmes de renversement.

Il devrait être clair, au vu du contexte, que je ne défends pas les positions d'Axel Burkart, mais que je pense simplement qu'il devrait pouvoir interpréter Rudolf Steiner comme il l'entend et que cela devrait être visible dans le nom de l'association. C'est justement dans l'interprétation de l'anthroposophie et de la pédagogie Waldorf que je souhaite une libre concurrence plutôt qu'une monoculture et un conservatisme. Et c'est là un autre effet néfaste de ce type de « relations publiques » : en s'attaquant à ceux qui pensent différemment, la Fédération des écoles libres Waldorf me contraint, comme beaucoup d'autres, à prendre la défense de ces humains, alors que dans d'autres circonstances je me disputerais avec eux - parce que l'affirmation de la liberté, comme nous l'avons montré plus haut, est justement la condition fondamentale de la pédagogie Waldorf. La Fédération a manifestement compris comment fonctionnent la division et la polarisation. Je doute cependant fortement qu'ellel ait une vue d'ensemble des conséquences de cette « politique ».

Johannes Mosmann, décembre 2022

Littérature complémentaire de l'auteur :

- Johannes Mosmann : Enfants soldats dans la guerre de vérité de l'UE

- Johannes Mosmann : La fin de la liberté d'expression ?

- Rudolf Steiner (édité par Johannes Mosmann) : Qu'est-ce qu'une école libre ?

- Rudolf Steiner (édité par Johannes Mosmann) : L'économie et la tripartition dans le programme de l'école Waldorf

Notes

<center>

[1] https://www.dw.com/de/einstein-in-china-rassismus-eines-genies/a-44223640

[2] https://www.youtube.com/watch?v=UlzP2NPNEgE

[3] https://www.youtube.com/watch?v=MaYdgxXmM4s

[4] https://www.dreigliederung.de/themen/assoziation  ->mot clef "association"

[5] "Avant tout, je ne fonderais jamais d'écoles anthroposophiques. Les anthroposophes doivent transformer les méthodes et l'organisation, mais jamais enseigner l'anthroposophie. Nous devons d'abord comprendre ce qu'est la liberté spirituelle. Ce que nous devons éviter le plus, ce sont les écoles de vision du monde". Rudolf Steiner, GA 332b p. 94

[6] Vergl.: Johannes Mosmann: Was ist eine freie Schule? Verlag am Institut für soziale Dreigliederung, Berlin 2015 -> Qu'est-ce qu'une école libre ? Editions francophones de l'institut.

[7] https://norberthaering.de/propaganda-zensur/mosmamm-meinungsfreiheit/

[8] https://www.dreigliederung.de/essays/2022-11-johannes-mosmann-kindersoldaten-im-wahrheitskrieg-der-eu     -> https://www.triarticulation.org/essays/vaccination-psychologique

[9] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/SPEECH_20_1036

[10] Ebd.

[11] Vergl. „Das Geheimnis der Macht“, Die Drei 2020/6. https://diedrei.org/files/media/hefte/2020/Heft6-2020/05-Mosmann-Demokratie-V-DD_2006.pdf    -> Le secret du pouvoir

[12] Alexander Rüstow, Ansprache auf dem Walter-Lippmann-Kolloquium vom 29. August 1938, enthalten in „Neoliberalismus“ von Serge Audier, Hamburg 2019 (Allocution au Colloque Walter Lippmann du 29 août 1938, contenu dans "Néolibéralisme" de Serge Audier). https://kursbuch.online/shop/serge-audier-jurgen-reinhoudt-neoliberalismus-wie-alles-anfing-das-walter-lippmann-colloquium/

[13] Ebd., S. 43

[14] Johannes Mosmann: Was ist eine freie Schule? Verlag am Institut für soziale Dreigliederung, Berlin 2015  ->   Qu'est-ce qu'une école libre ? Éditions francophones de l'institut.

[15] GA 338, S. 154

[16] Rudolf Steiner: GA 328, S. 63

[17] Rudolf Steiner: GA 330, S. 321

[18] https://de.wikipedia.org/wiki/Ryke_Geerd_Hamer

[19]  Je renonce ici à la mise en lien des sources indiquées par  le père d'Olivia Pilhars. La sténographie d'une session  ultérieure du parlement confirme cependant ses indications : https://www.parlament.gv.at/PAKT/VHG/XIX/NRSITZ/NRSITZ_00052/imfname_141783.pdf

[20] https://idw-online.de/de/news66691

</center>
 

[21] https://www.aerzteblatt.de/nachrichten/63500/Wilms-Tumor-Chemotherapie-ohne-Doxorubicin-vermeidet-Kardiotoxitaet

[22] Rudolf Steiner : GA 338, p. 125, contenu dans : Johannes Mosmann : Qu'est-ce qu'une école libre ? Éditions de l'Institut pour la tripartition sociale, Berlin 2015.

[23] GA 300c, p. 49, contenu dans : Johannes Mosmann : Was ist eine freie Schule ? Éditions de l'Institut pour la tripartition sociale, Berlin 2015.

[24] GA 338, p. 186, contenu dans : Johannes Mosmann : Qu'est-ce qu'une école libre ? Éditions de l'Institut pour la tripartition sociale, Berlin 2015.    ->   Qu'est-ce qu'une école libre ? Éditions francophones de l'institut.

[25] Cf. Peter Selg : Zivilcourage - Die Herausforderung freier Waldorfschulen (Le défi des écoles libres Waldorf). In : Anthroposophische Vorträge, Maison d'édition de l'Institut Ita Wegman, Arlesheim 2020

[26] https://www.waldorfschule.de/artikel/coronamythen-starkes-immunsystem-genuegt-nicht

[27] https://www.erziehungskunst.de/artikel/qualifizierte-lehreraus-und-weiterbildung-im-bund-der-freien-waldorfschulen/

[28] https://www.deutschlandfunkkultur.de/allensbach-umfrage-zur-meinungsfreiheit-heute-gibt-es-100.html

[29] https://www.stuttgarter-zeitung.de/inhalt.aerger-um-rechtsesoteriker-axel-burkart-heftiger-richtungsstreit-in-der-stuttgarter-waldorfszene.f0ada50f-9687-4ffd-9be5-286967fe7053.html
[30] https://nvb247.n3cdn1.secureserver.net/wp-content/uploads/2022/12/Burkart_Brief_AG-3.pdf
[31] https://nvb247.n3cdn1.secureserver.net/wp-content/uploads/2022/12/221209-Zumeldung-der-AGFS.pdf
[32] https://www.waldorfschule.de/artikel/stuttgarter-zeitung-heftiger-richtungsstreit
</center>